Des centaines de personnes, dont des policiers, des gendarmes, des avocats et des pompiers, ont été happées par une arnaque crypto d’ampleur baptisée ACCGN. Derrière ce sigle apparemment technique se cachait une plateforme frauduleuse bien rôdée, qui a su jouer sur la confiance et l’effet de réseau pour bâtir un véritable empire illusoire. Ce dossier revient sur les rouages d’un système qui a dupé jusqu’à ses propres recruteurs.
ACCGN : Une façade crédible pour un piège bien huilé
La promesse était simple : des rendements financiers rapides, garantis par des mécanismes obscurs, mais présentés comme fiables. À la tête de cette opération, des figures comme ce pizzaiolo reconverti en conseiller financier, qui se dit lui-même victime du système. Ce dernier affirme avoir enrôlé plus de 800 personnes, devenant un “directeur régional” au sein d’ACCGN. Il déclare : « Pour moi c’était réel et c’était pas une arnaque. J’y croyais vraiment. »
Parmi ses recrues, on trouve des greffiers, des policiers municipaux, des gendarmes, ou encore des avocats. L’effet boule de neige s’est appuyé sur un sentiment de légitimité interne, renforcé par la confiance professionnelle. Une fois engagés, les utilisateurs alimentaient leur portefeuille sur l’application, observaient quelques gains initiaux… puis voyaient leurs comptes bloqués sans explication.
Le fonctionnement est désormais connu. Les utilisateurs devaient payer 120 USDT pour débloquer leurs fonds, une demande systématique qui servait à prolonger l’illusion. D’après un avocat enquêtant sur les auteurs de cette fraude, un compte lié à ACCGN aurait affiché jusqu’à 18 millions d’euros, preuve d’une manne accumulée grâce à ces contributions piégées.
La plateforme elle-même a été identifiée comme non autorisée et potentiellement frauduleuse sur plusieurs portails spécialisés. Les signalements s’accumulent, confirmant la stratégie typique d’un schéma pyramidal : rémunérer les premiers entrants pour susciter l’adhésion des suivants, puis bloquer l’ensemble une fois le réseau suffisamment développé.
Comment les victimes ont-elles été enrôlées et pourquoi elles y ont cru ?
La force d’ACCGN ne résidait pas dans une technologie innovante, mais dans sa capacité à mobiliser des individus ordinaires qui se sont transformés, à leur insu, en vecteurs de l’arnaque. L’exemple du pizzaiolo devenu « conseiller financier » est révélateur. En combinant une application visuellement convaincante à un système de parrainage valorisant, la plateforme offrait un rôle valorisant et rémunérateur à ses promoteurs internes.
Ces derniers, loin d’agir avec malveillance, étaient pour la plupart convaincus de participer à un projet légitime. Le gain initial, souvent retiré avec succès, renforçait cette conviction. Puis l’incitation à parrainer d’autres personnes, alliée à des titres comme « directeur régional » ou « ambassadeur », construisait une croyance collective difficile à remettre en question.
Dans les faits, ACCGN utilisait un levier classique mais redoutable : celui de la confiance interpersonnelle. Lorsqu’un pompier recommande une plateforme à son collègue, ou lorsqu’un greffier suit les conseils d’un autre professionnel de justice, la vigilance s’efface. Le sentiment d’appartenir à une communauté fiable devient un moteur d’adhésion puissant, même sans garanties contractuelles.
La complexité apparente du système, le manque de transparence sur les rendements, ou encore l’absence de régulation n’étaient pas perçus comme des signaux d’alerte. Ils étaient au contraire justifiés par l’idée que « dans la crypto, tout va vite » ou que « c’est le futur de la finance ». Ainsi, l’arnaque a pu se répandre au sein même des institutions publiques, sans que personne ne tire le signal d’alarme à temps.
L’affaire ACCGN illustre à quel point les schémas frauduleux peuvent infiltrer des sphères inattendues, en particulier lorsqu’ils exploitent l’apparence de sérieux et les réseaux de proximité. Loin d’être isolée, cette affaire rappelle que dans l’univers crypto, les escroqueries changent de forme, mais conservent un fond commun : promettre l’impossible en échange de la confiance.
Mieux comprendre le fonctionnement de ces fraudes, identifier les signaux faibles, et documenter ces témoignages est une étape clé pour outiller les futurs investisseurs, mais aussi protéger ceux qui croient encore, à tort, que ce type d’arnaque ne concerne que les “naïfs”.


